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Voyage au Kirghizstan

Préambule.

Au début du monde, dit une légende kirghize, Dieu partagea la terre entre les peuples. Le représentant du Kirghizistan, connu pour être en retard, s’était même endormi. Il se présente le dernier bien embarrassé. Dieu dit alors dans un geste large : « je m’étais réservé une belle contrée pour y construire ma datcha (résidence secondaire), je te la donne ». Terre de nomades, pas tout à fait 6 millions d'habitants, 4 millions de moutons et 2 millions de chevaux.

7 juillet. Tout le monde (Maria, Juliane, Marjolaine, Eric) est à l’heure au rendez-vous à l’aéroport, Maria n’a pas oublié son passeport (cette fois !). Dominique est un peu nerveux quant à l’attentat commis à l’aéroport d’Istanbul quelques jours auparavant, lieu de notre escale pour le Kirghizistan.

8 juillet. Voyage pour Kirghizistan sans histoire et arrivée sans retard à Bichkek où notre guide Talant nous attend. Cette année, les valises ont suivi !!! Il nous emmène dans une maison d’hôtes très bien aménagée et fraîche, qui appartient aux parents de son associé, le bien nommé Chicou. Les voyageurs fatigués profitent d’une bonne sieste avant de se lancer dans la visite du centre-ville, par 32° à l’ombre, dont l’architecture est très « soviétique ». Nous finissons par le très grand marché local (grand bazar Hosh) aux 1000 senteurs. Marjolaine a goûté deux boissons locales, l’une aux céréales, l’autre au goût de fromage.

Les parents de Chicou sont très sympas. Après avoir dégusté un plat national au riz, le « plov », pris une douche chaude pour ceux qui savent suivre les instructions… (gauche- droite), personne ne se plaint d’aller se coucher après cette première immersion dans ce nouveau pays.

9 juillet. Aujourd’hui, nous allons à Karakol à 450 km. La ville est en pleine est du Kirghizistan. Le bus a été préparé par Talant et Chicou, avec deux pneus de réserve. La route est meilleure que prévu. Nous longeons la frontière du Kazakhstan pendant quelques dizaines de kilomètres. Au cours de quelques centaines de mètres, la route passe même sur le territoire kazakh. À un moment, alors que le bus roule, Maria réussit à perdre son téléphone portable en essayant de prendre une photo du Kazakhstan. Talant retrouve l'appareil neuf au bien mauvais état. Sera-t-il réparable ?

Nous nous rapprochons des montagnes, et débouchons sur un haut plateau à 1600 m d’altitude où trône le lac IssykKul, le deuxième plus grand lac du monde, deux fois le Léman : 120 km de long, 60 km de large, 670 m de profond. Alimenté par plus de 80 torrents et rivières, il n’y a pas de rivière connue qui en sort. La couleur est turquoise, et il est si large que nous ne voyons pas l’autre rive. On dirait une mer. Nous longeons la côte sud du lac. C’est à ce moment que nous sommes arrêtés par la police pour excès de vitesse. Talant négocie et s’en sort pour avoir « téléphoné au volant », c’est moins cher. Il doit néanmoins laisser son permis aux policiers ! À la pause, la tenancière du restaurant est affable mais ne parvient à placer qu’une seule de ses fameuses soupes. En fin de journée, nous profitons de quelques heures de détente dans une magnifique Guest House avec un jardin de rosiers un peu sauvage.

10 juillet. Nous quittons Karakol en minibus et en moins d’une heure nous sommes à pied d’œuvre pour notre premier trek au Kirghizistan. Nous faisons connaissance de nos deux porteurs et d’un cousin de Talant qui feront le tour avec nous. Assez rapidement, nous recevons une petite mise en bouche puisqu’il faut contourner le chemin par le côté montagne en raison d’éboulements. Nous suivons la rivière par un chemin facile. Le torrent pourtant glacé réussi à inspirer deux de ces dames pour une première baignade! Un peu plus loin, nous tombons sur notre premier troupeau de chevaux avec leurs poulains en pleine nature. Emerveillement.

Nous remontons le torrent Karakol (peu de variété dans les noms) jusqu’au moment de la pause de midi, prise au soleil juste avant le pont, à environ 2500 m d’altitude. C’est à cet endroit qu’Éric découvre le premier sable très fin à ramener en souvenir du Kirghizistan. La montée jusqu’au campement du soir (Sirota camp) perché à 2900 m d’altitude, est rude. Nous campons là où les sapins cèdent le terrain aux rochers. Nous partageons l’espace avec plusieurs autres groupes du monde entier. Les Polonais animent le feu de camp de leur chants jusque tard dans la soirée.

11 juillet. La montée au col AlaKol et au lac du même nom n’est pas piquée des vers. Nous dépassons un groupe de jeunes suisses, Élodie et Thibault, qui souffrent passablement. Élodie en particulier ne donne pas l’impression de pouvoir finir l’étape. Avec peine, ils gagnent la cascade qui offre un magnifique point de vue. La grimpette jusqu’au lac à 3500 m d’altitude fait chauffer les cuisses, et le souffle est déjà un peu plus court. Nous y découvrons nos premières edelweiss, qui au Kirghizistan ne sont pas une rareté. «  Ici, les vaches les broutent ! » nous confie notre guide. Le lac Ala-Kol est une pure merveille. D’un bleu turquoise, il mesure près de 2 km de long, et sa profondeur est inconnue. Nous le contemplons à souhait en grimpant jusqu’au second col (Ala-Kol), lui perché à 3900 m. La pente est très raide et autant admettre que Marjolaine et Éric en ont un peu bavé. Les deux autres sont faciles : on peut dire que Juliane est quasi prête pour le Mont Blanc !Nous arrivons assez tôt au sommet pour pouvoir admirer, avant que les nuages se montrent, la chaîne des 5000 m bien enneigés, et principalement les deux sommets, le Karakol (Non, l’imagination n’est pas au rendez-vous !) et le Djiguit (le jeune-homme); avec le lac à leurs pieds, et notamment le deuxième petit lac en forme de cœur qui se révèle à l’arrière, la scène est de toute beauté. La descente dans les éboulis restera dans les annales et a beaucoup plu à Marjolaine. Facile, il suffit de se lancer et de se laisser glisser sur ces petits cailloux ronds comme le ski ! Au premier ruisseau un peu plus bas, nous piqueniquons avant de faire plus de trois heures de descente dans les pâturages. C’est à 18h30, soit après 9h30 de randonnée que nous atteignons notre camping. La bière, paraît-il bonne pour les muscles, est la bienvenue. La vraie surprise, et le vrai bonheur sont les sources d’eau chaude d’Altyn-Arashan, qui nous permettent de nous détendre un moment avant de manger un riz à la Guest House de l’autre côté du pont. Autour d’un UNO, la tension monte concernant le résultat de la coupe d’Europe de football toujours inconnu. Sans réseau téléphone, on est fichu. Le patron promet de téléphoner avec son téléphone satellite, mais Maria n’a pas la patience d’attendre. Et pourtant, le Portugal a gagné 1-0 contre la France. Tout le camping l’apprend au lever du jour le lendemain, tellement la joie de Maria est débordante.

12 juillet. Nous redescendons par un bon chemin, praticable par les jeeps, le long du torrent Altyn-Arashan ; alors que nous sortons du parc national, Éric découvre un autre sable à ajouter à la collection. Nous nous serrons dans le bus avec/contre de jeunes Belges bien sympathiques, bus qui nous ramène à Karakol. Première étape au restaurant pour manger des brochettes délicieuses, mais qui se sont faites longuement attendre. Ensuite retour à la Guest House pour lessive, douche, et SMS! C’est le moment de vous relater ce qu’il est advenu à Élodie et Thibault, les deux Suisses (neuchâteloise et lausannois) qui se sont permis d’insinuer que Genève ne faisait pas partie de la Suisse lors notre premier croisement. Bien qu’exténuée dans la montée du col, Élodie a fait preuve d’une volonté formidable ; à l’aide des bâtons prêtés par Maria, elle a réussi à terminer l’étape ensemble avec nous. Ce soir, elle nous invite pour l’apéritif sur une belle terrasse de Karakol. Nous testons un vin blanc géorgien pas mal du tout (sauvignon) ; comme il n’y avait qu’une bouteille, la suivante est française, une vraie piquette en comparaison. Au repas du soir, Éric teste la vodka locale kirghize qui se révèle délectable. Il faut dire que la longueur de la carte « vodka » est impressionnante. Il en reste d’autres à découvrir !

13 juillet. Sans trop se presser, nous partons pour notre étape au bord du lac. Nous faisons halte dans une bourgade pour acheter des provisions et un poulet grillé qui nous tendait les bras (ou plutôt les ailes). La côte sud est encore très sauvage. Le développement de quelques villages balnéaires s’est arrêté net lorsque l’indépendance a été proclamée en 1991 au Kirghizistan. Nombreuses sont les constructions qui n’ont jamais été terminées. Nous nous engageons dans un paysage de canyons qui nous séparent des rives du lac. Nous roulons sur le lit de la rivière à sec. Nos guides nous laissent terminer le parcours à pied pendant qu’ils montent le campement. Après l’émerveillement des paysages creusés dans l’argile durcie, nous nous jetons (façon de parler pour Eric…) dans le lac à la fraîcheur bienvenue. À part les cinq premiers mètres, le fond est sablonneux et l’eau très légèrement salée d’une température d’environ 22°. Un régal. La sieste est agréable et bienvenue.

En fin de journée, nous faisons une promenade sur la crête des collines d’argile. Le paysage avec d’un côté les canyons, et de l’autre les rives du lac, est d’une beauté magique. Les couleurs sont de toute beauté, l'ocre, le bleu, le vert le jaune tout y est ! Tel un petit troupeau de chèvres, nous progressons sur les crêtes escarpées, découvrant de nouveaux coups d’œil à chaque virage. Le retour se fera par le fond d’un petit vallon qui nous révèle ses mystères ; Marjolaine s’extasie sur tout, et notamment sur la beauté des croûtes d’argile sur le sol aux contours sinueux et artistiques. La soirée se termine autour d’un feu de camp fait de brindilles et de bois trouvés dans cet endroit pourtant sec.

14 juillet. Notre voyage au Kirghizistan continue. Le lendemain, après un épisode plage-baignade matinal et vivifiant, nous repartons pour un trek dans les montagnes environnantes, les monts célestes. Celles-ci ont changé, dans le sens où les forêts sont absentes. Les pâturages (les jailoos) sont immenses avec de temps en temps une yourte qui abrite le berger et ses chiens. La pluie nous surprend en chemin. Chicou nous a précédés à l’étape avec le bus ; il a pu monter les tentes où nous trouvons refuge car il continue à pleuvoir sans discontinuité. Malheureusement, le bus est embourbé. Talant et Chicou se sont battus plusieurs heures pour le ressortir sous une pluie battante, mais il faut se rendre à l’évidence, seuls une jeep ou un camion pourrait sortir le bus de sa situation plus qu’inconfortable. Qu’allons-nous faire ? » Si le plan A et le plan B ne fonctionnent pas, il reste toutes les autres lettres de l’alphabet… »dit un proverbe russe donc, autant dormir !

15 juillet. Chicou est parti très tôt pour essayer de trouver du secours dans la vallée. Nous savons que la prochaine étape est très longue avec un col à 4000 m d’altitude. Autant dire qu’il faut partir à 10 heures au plus tard pour espérer le franchir dans de bonnes conditions… Vers les 11 heures arrive un camion bleu. Au premier essai, la corde casse. Heureusement, le camion parvient finalement à tirer le bus hors de la boue au soulagement général. Il est maintenant 11h30, trop tard pour rêver faire le col. Il est décidé de passer une journée repos au soleil qui est revenu. Talant descend au village faire des courses. On a même de la bière ! Quelques minutes après le départ de Talant arrive un autre véhicule qui s’embourbe au même endroit ! Chicou s’empresse de souffler aux occupants qu’en se dépêchant ils pourraient rattraper le camion dont le chauffeur avait prévu de dire bonjour à son cousin berger vivant dans une yourte un peu plus bas. Et le deuxième sauvetage de la journée peut être effectué. Une bonne opération pour le camion en fin de compte.

Le reste de la journée s’écoule à ne rien faire ce qui n’est pas désagréable. On tue le temps comme dans un camp de base, lecture, repos, partie de UNO, manger, et discuter. La grande tente est même équipée de chaises de camping, luxe suprême.Maria observe la vie d’une marmotte qui loge de l’autre côté de la rivière. C’est aussi l’occasion pour Marjo et Eric de pratiquer leurs exercices d’assouplissement quotidiens avec un peu plus de ferveur.

16 juillet. Nous transportons les bagages jusqu’au véhicule un peu plus bas ; Chicou le conduira jusqu’à notre étape du soir soit 350 km de piste, plus le temps de faire quelques courses en route. Qui arrivera les premiers ? L’ascension de la journée est assez douce jusqu’à 3500 m d’altitude. De temps en temps nous croisons une bouteille vide et boîte de conserve rouillée : il y a encore beaucoup de travail de sensibilisation nécessaire pour préserver ces lieux magiques et encore sauvages. À partir de 3500 m l’herbe fait place aux cailloux, rochers, caillasses, et éventuellement de la neige. Un petit lac s’offre à nous, la glace flotte encore à la surface. La montée depuis le lac est abrupte dans les éboulis un peu friables.

Toutefois, on voit à leurs excréments que de nombreux animaux domestiques nous ont précédés ! Les petits chevaux du pays sont vraiment capables de passer n’importe où. Le sommet est atteint vers 13h30, bien dans les temps, et nous basculons sur l’autre flanc de la vallée bien plus facile. Dès que nous atteignons la première prairie nous nous offrons un pique-nique fait de pain, fromage, sardines, parfois du poisson à tartiner et quelques fruits. Grâce au nescafé de Maria, boire un bon café est possible le matin, à midi et le soir. La descente en direction de la rivière au fond de la vallée continue. Au croisement d’un torrent, Éric ramasse son sixième sable. C’est un travail d’équipe, avec Juliane qui relève les coordonnées au moyen de son iPhone. Quelques centaines de mètres plus loin, Eric réalise qu’il a perdu ses lunettes de soleil. Il semble se rappeler les avoir posées pour ramasser le sable. Juliane très en jambes les retrouve. Bonne intuition, et autant pour la peur. Plus bas, nous croisons un troupeau de chevaux. La rivière coule en méandres le long de la vallée. Sur son bord, nous trouvons une maison de bergers habitée par une famille très hospitalière. En attendant Chicou qui tarde vraiment, nous assistons à la vie de la petite famille, le père, la mère, un garçon de huit ans, une fille de six ans, et un bébé de deux mois. Chacun s’entraide et fait sa part de travail. C’est à cheval que le garçon est allé chercher les vaches qui paissent au loin. Le troupeau de moutons de 600 têtes (et autant de boules de graisse au derrière !) est ramené pour la nuit près de la cabane. Avec tendresse, le père s’occupe beaucoup des enfants et notamment du bébé. Comme Chicou se fait attendre, la famille nous invite au repas du soir. Quel privilège d’avoir pu découvrir leur intérieur, propre mais limité au strict minimum. Nous sommes assis à terre, la table étant à 30 cm de hauteur. Néanmoins, l’énergie solaire alimente une pile qui nous donne une belle lumière. Il n’y a pas de bois pour le chauffage, la bouse séchée fait très bien l’affaire car la température intérieure est plus qu’agréable. Les miches de pain sont cuites et laissée sur le flanc sur un meuble tandis que les couches du bébé sèches au dessus du poêle. La crème double sur le pain frais et fait « maison » a beaucoup de succès. Ensuite, le plat de pâtes avec patates nous tient bien l’estomac. C’est le moment de goûter le fameux lait de jument fermenté un peu surprenant pour notre goût de petit-suisse ! Chicou arrive enfin alors que la nuit tombe. Mais le passage de la rivière s’avère impossible. Qu’à cela ne tienne, un cheval docile fera l’affaire pour transporter nos bagages jusqu’au camping. Maria et Marjo ont encore du courage pour tester les sources d’eau chaude à la lumière de la frontale. Elles sont tellement chaudes (les sources !) que seul un lavage avec seau d’eau sera possible. Pas d’immersion. Chicou va nous quitter pour s’occuper d’un autre groupe. Nous prenons congé de Chicou le soir même autour d’une tasse de vodka, tasse un peu profonde pour tenter le cul sec.

17 juillet. Nous prenons le petit-déjeuner encore chez la famille de bergers. La double crème a refroidi durant la nuit, permettant ainsi de l'étaler sur le pain. La famille est là, goûtant ainsi aux produits ramenés par Talant café et Nutella. Nous passons par le gué à cheval pour regagner notre véhicule. C’est un beau moment d’aventure. À chaque passage ou presque, les chiens suivent et traversent la rivière également. Le transfert à notre étape du soir nous prend une journée de bus. Nous franchissons des paysages de cartes postales. Pendant tout le parcours, seuls deux villages seront traversés. Une yourte blanche de ci de là, scintille sur les immenses pâturages désertiques encerclés de montagnes visibles au loin et encore enneigées. À la pause de midi, nous ramassons les vélos dans un bourg pour la suite du séjour au Kirghizistan. Nous faisons un bout de chemin sur une des seules routes qui mènent en Chine, et passons le col du Dolon. À travers d’autres paysages plus secs, nous atteignons vers 17 heures un très bel endroit pour passer la nuit au bord de la rivière Song-Kul, entourée de montagnes majestueuses.

18 juillet. Étape randonnée VTT. L’aventure en VTT commence pour Maria et Marjo, tandis que Juliane et Éric continuent leur progression à pied. Après 5 km, le chemin monte enlacets avec une forte déclivité. Les vététistes doivent mettre le pied-à-terre; pour les marcheurs cela grimpe assez sec par le chemin direct. Au bout des lacets, nous débouchons sur un haut plateau à environ 3000 m d’altitude, fait de collines douces assez faciles pour tous. Quelques kilomètres plus loin, nous nous apprêtons à pique-niquer dans un endroit idyllique quand la pluie débarque. Nous nous réfugions dans le bus et attendons patiemment, telle la famille Bidochon. Il faut se rendre à l’évidence, la pluie ne cesse pas. Talant nous conduit jusqu’à l’étape du soir. Un orage de grêle nous surprend, mais ce n’est rien en comparaison avec ce qui nous attend. Nous mangeons dans la yourte, c'était notre première yourte au Kirghizistan, ce qui nous donne l’occasion de découvrir l’intérieur de l’habitation des nomades. On y trouve toutes sortes d’objets dont une machine à coudre. L’après-midi s’écoule doucement, avec des épisodes pluvieux suivis d’autres périodes offrant une lumière magique de gris et violet. Au moment du coucher, se lève une tempête avec tonnerre, éclairs, et surtout des rafales de vent d’une rare violence. Est-ce que les nouvelles tentes Quechua vont tenir le coup ? Ça bouge dans tous les sens. Éric et Marjo couchés sur le dos, tiennent comme ils peuvent les barres pendant 30'' alors que Talant retend les sardines. Nous sommes anxieux jusqu’à ce que la pluie commence à tomber, certes en rafales, mais avec un vent nettement moins violent. Bonne nuit, les petits.

19 juillet. Au matin, nous sommes surpris de voir que les montagnes environnantes ont blanchi. Il a en fait neigé très bas jusqu’à une altitude d’environ 3200 m. Le petit-déjeuner est pris sous la yourte où un lait caillé nous est servi. « Délicieux ! » d’après Marjo . Vu que le chemin est assez plat, Éric décide de tester le VTT sur quelques kilomètres jusqu’au gué. Ensuite, les vraies vététistes continuent sur environ 30 km le long du lac Song-Kul, alors que Juliane et Éric ne font qu’une partie à pied. Nous nous installons pour deux jours dans un campement en yourte. Notre yourte est grande pour quatre et confortable. Dehors, il fait malheureusement assez frais pendant l’après-midi, il est difficile de lézarder au soleil. Nous nous reposons donc un peu avant le repas du soir partagé avec d’autres touristes suivi de notre inévitable partie de UNO. Talant a du talent pour démasquer les tricheurs, il est redoutable. La nuit à 3200 m d’altitude est fraîche, mais heureusement la yourte est chauffée au moyen d’un poêle à charbon. Et quand il n’y a plus de charbon, il y a de la bouse en tranches.

20 juillet. Marjo se lève la première et va se plonger dans le lac qui avoisine les 15°. Il faut le faire ! Après le petit déjeuner (œufs au plat délicieux pour changer), nous faisons une promenade à cheval d’environ 2h30. Le parcours commence au bord du lac Song-Kul où nous croisons troupeaux de chevaux et de vaches. Nous continuons à travers pâturages sur les collines qui entourent le lac. Un moment de vrai bonheur pour chacun de nous. Talant nous ouvre la voie et nous faisons de temps en temps un peu de trot sans que personne ne tombe. Juliane engueule avec conviction son «  Pépère ». L’après-midi est calme, promenade à la plage, baignade (rapide !) pour Maria, lecture. Aujourd’hui, nous avons eu de la chance, le soleil s’est montré généreux ce qui nous a permis de faire un après-midi de farniente bien agréable.

21 juillet. Nous amorçons notre voyage de retour. Nous disons au revoir à nos hôtes, notamment à la gentille et jolie Dardana qui ne semble pas insensible au charme de Talant. Après avoir longé le lac sur quelques kilomètres, nous grimpons en direction du col 200 m plus haut. Ensuite, nous plongeons dans la vallée et perdons 1000 m d’altitude. Cette descente nous permet de traverser de magnifiques champs très fleuris et découvrir au détour du chemin des champignons géants, des « vesses de loup » d’après Marjo. Dommage, le temps est un peu gris voire pluvieux qui nous empêche de profiter des couleurs des roches et d’un pique-nique au soleil. Talant décide de nous emmener directement à l’étape du soir, une chambre d’hôtes tenue par un ancien vétérinaire du temps soviétique. Ainsi que chaque propriété, celle-ci est protégée par un mur d’enceinte et un immense portail qui ne permet pas de voir la cour intérieure et de l'activité menée par les familles. Un grand portail s’ouvre pour que notre bus se parque à l’intérieur. Cette maison est en bien meilleure condition que la plupart des maisons du village qui nécessitent à l’évidence des travaux importants d’entretien de toiture.

Aujourd’hui chez nos hôtes, c'est jour de tuer un mouton. On se rappelle que les bêtes, dans ce cas un mouton, sont d’abord égorgées au Kirghizistan. C’est un rituel musulman important. Savoir tuer et découper un animal fait partie de l’éducation des garçons. On sent Talant souffrir de n’avoir pas appris tout cela, du au fait qu'il était le dernier de la famille.

Cette chambre d’hôtes est équipée d’un bain russe (un bagna), qui n’est autre qu’une chaudière qui chauffe agréablement la pièce tel un sauna, et cuit de l’eau bouillante. Chacun peut faire son mélange avec de l’eau froide à ses souhaits et s’asperger avec délectation. Se laver les cheveux et tout le reste est vraiment agréable, d’autant plus que les lits sont confortables. Ceci pose néanmoins un problème logistique majeur à Juliane notre végétarienne qui se cherche ; il faut en effet passer devant le coin boucherie (berk) pour accéder la salle de bain. Au menu du soir, il y avait un peu de poitrine de mouton fraîchement découpée, tout pour dégoûter de la viande notre Juliane.

22 juillet. Nous préférons attendre la fin de l’averse avant de démarrer. Nous commençons la journée par un transfert à travers la plaine en direction d’une gorge où coule le torrent Kekemeren. Une des plus grandes torrent du Kirghizistan. Arrivés dans ses gorges abruptes où toutes les couleurs ocre se mélangent, nous démarrons en VTT. La pause pique-nique se fait dans un site magnifique abrité d’un gros arbre. Marjo se met à collectionner des pierres de couleurs étonnantes. Il y a bien pour 20 kg de plus dans le bus à la fin du repas ; à voir comment on va régler cela pour le vol retour en avion. Éric se cantonne à la récolte de sable ; il fait deux prélèvements le long de cette rivière. L’après-midi, seule Marjo et Maria poursuivent en VTT. Les cervicales et le postérieur d’Éric étant par trop mis à contribution pour en rajouter. Nos deux championnes font tout de même 31 km avec le sourire. La recherche d’une place de camping est compliquée. Alors que Talant s’efforce de trouver un terrain correct, Marjo susurre que le site ne lui plaît pas. Nous voici donc repartis pour essayer de trouver mieux. Alors que la traversée de la gorge et franchie, on essaye un autre terrain près de la rivière. Toutefois, c’est pire, plein de pierres et des moustiques ! Talant sent que ses touristes sont peu motivés et propose de dormir en chambre ; il faut toutefois rouler une heure de plus en direction de Bichkek. Les touristes ont vite fait d’accepter.

Le bus quitte les gorges et progresse à travers un haut plateau ( SuuSamur) à plus de 2000 m d’altitude, où le froid a atteint les -50 degrés au cœur de l’hiver. La vie doit être dure dans les villages que nous traversons. Au fil du voyage au Kirghizistan, on s’est rendu compte que l’Etat manque cruellement de moyens pour entretenir et développer ses infrastructures. Les routes et les ponts sont la partie la plus visible de cette immense difficulté. De nombreux bâtiments sont aussi à l’abandon et tombent en décrépitude. Alors que nous croisons la grande route qui relie le nord du pays au sud, Talant explique que certaines routes sont financées par les Chinois qui amènent aussi leur main-d’œuvre. Un modèle bien connu pour pouvoir accéder aux matières premières du pays. Sur cette route nord-sud nous trouvons un hôtel VIP de très bonne qualité : la salle de bain privée est fortement appréciée par nos touristes, qui dorment bien malgré les portes ouvertes, et malgré les « barbus » de l’autre côté du couloir, fort bruyants au moment de la prière du matin.

23 juillet. Dernier jour du voyage au Kirghizistan. Marjo décide de bien commencer la journée avec une douche chaude. Deux douches en moins de 12 heures, c’est le bonheur. Le restaurant d’à côté nous sert de délicieuses crêpes. Un mot ici pour dire que la nourriture nous a « déçus en bien ». En effet, les viandes aux légumes sont assez goûteuses par exemple. Nous traversons une très haute chaîne montagneuse, une vraie barrière entre le nord et le sud du Kirghizistan. En haut du col TooAshuu, à environ 3200 m d’altitude, c’est un tunnel qui se présente (fait lui aussi à l’époque soviétique) d’environ 3 km. Pour la petite histoire, l’ingénieur responsable s’était suicidé, croyant que ces calculs n’étaient pas justes. Tel ne fut pas le cas, et les deux bouts du tunnel se sont rejoints. La descente est longue pour atteindre le niveau d’altitude de la plaine où trône Bichkek, la capitale, dont l’activité intense et frénétique tranche avec celle du reste du pays qui vit encore au rythme des saisons. Lunch fait de brochettes, visite au grand marché pour les derniers souvenirs. Et nous voilà chez les parents de Chicou en train de faire nos bagages et se répartir les pierres de Marjo (Une pierre qu’elle avait gardée dans son sac ne passera pas la sécurité à l’aéroport !). Les adieux se font autour d’un bon repas arrosé de bière et ensuite de Mojitos. Nous profitons de cette occasion pour rencontrer la copine de Talant charmante et souriante. Voyage sans histoire jusqu’à Genève à part la température en cabine du premier tronçon et la corpulence ainsi que l’agitation de la voisine kirghize d’Éric. Dernière expérience d’une suite de moments magiques durant lesquels la bonne ambiance a régné sans discontinuité jusqu’à l’atterrissage le 24 à Genève.